Les voix des Andes

Traditions orales Quechua et Aymara de la Cordillère des Andes

vendredi, mars 10, 2006

INTRODUCTION

Les Voix des Andes

Rencontre avec la tradition orale des habitants de la cordillère des Andes.
Dans ce blog vous avez la possibilité de réagir et de laisser vos messages aux conteurs eux-mêmes.

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Avant d'être une exposition ou un livre, le projet Conversations du monde est d'abord un état d'esprit. C'est une volonté d'ouverture, d'échange et de partage de ce que les hommes ont de plus singuliers: leur capacité à communiquer leur mémoire vivante, à transmettre des histoires, des techniques, des remèdes de génération en génération… leurs traditions orales en quelque sorte.

Ainsi, Conversations du Monde cherche humblement à rapprocher les hommes en recréant l'émotion d'une rencontre improbable ayant donné lieu à un partage de cette tradition orale. L’exposition Les Voix des Andes nous invite à s’immerger l'espace d'un instant dans un autre monde, celui des communautés indiennes Aymara et Quechua de la cordillère des Andes. Pour faire découvrir et ressentir l’émotion de ces rencontres, nous mettons en place un type d'exposition hybride et itinérante, mêlant photographies, sources sonores et éléments vidéos. Ces réalisations sont fondées sur les quatre notions suivantes:

- Notion d'éloignement: rencontre avec des peuples, des personnes habitant dans des régions reculées et méconnues.
- Notion de mémoire: recueil d'éléments de culture orale, de mémoires vivantes (contes, légendes, techniques…) donc par essence périssables.
- Notion de conversation: les personnages racontent eux même l'histoire, avec leur propre timbre de voix et langage, que l'on écoute.
- Notion d'intimité: fruit de véritables rencontres, de témoignages spontanés, rendus possibles par l'instauration d'une certaine intimité et un climat propice à la confidence… un peu comme dans une conversation au coin du feu.

Après cette première phase de sensibilisation au travers d'expositions multimédias itinérantes, l'objectif ultime de ce projet est de nourrir et de renforcer les communautés elles-mêmes. Dans cette optique, nous utilisons les nouvelles technologies comme Internet, permettant de garder les éléments de tradition orale des anciens sous forme d'archives sonores et visuelles accessibles aux prochaines générations. Une sorte d'aide digitale à la transmission du savoir, en assurant une plus grande diffusion et donc une meilleure pérennité des traditions orales en danger dans le monde.

Ce blog est en fait la possibilité pour vous de lire et d'écouter ces histoires et de laisser vos propres réponses ou commentaires aux conteurs des Andes eux-mêmes. (Vos messages seront traduis en Quechua, Aymara et espagnol le cas échéant).

Chanson Kantutitai

Chanson en quechua « Kantutitay » des trois enfants
(de gauche à droite: Abel, Alexa y Juan Carlos)
[Ecoutez la chanson ici .mp3]

Kantutitay, kantutitay,
Amantanipis wiñan,
q’illu pukata t’ikaspa
sunquyta suwashawan.

Manahanu pila unu
aquel cerro verde,
ese cerro me recuerda
cuando yo lloraba.

La petite fleur de cantuta
qui pousse sur (l’île d’)Amantani
en fleurissant jaune et rouge
me vole le coeur.

Cette montagne verte,
robinet de Manahanu[1],
cette montagne me rappelle
quand je pleurais.


[1] Il s’agit probablement du nom d’une montagne comparée à un robinet. La personne éplorée se compare à cette montagne d’où coule beaucoup d’eau.


La chasse du condor


Lucio Sueldo Huelca

Communauté Choqueca, Tambobamba, Province de Cuzco, Pérou

[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« Avant de partir attraper le condor, il faut d’abord commencer par faire des offrandes aux Apus. Les Apus sont les montagnes, mais aussi les dieux qui protègent les hommes les animaux et surtout les condors selon les croyances et les coutumes de notre peuple. Alors on chasse le condor avec grand respect. On doit juste l’attraper, pas le tuer. Car on doit le faire participer à la fête traditionnelle du village, la corrida de taureaux de Cotabamba. On réalise des offrandes spécifiques aux Apus qui protègent les condors, et aussi à Ignacio Condori de Sauricalla qui est le patron des condors. On doit leurs donner des feuilles de coca, de l’alcool, des clous de girofle ou des cigarettes… Tout ça pour appeler le condor.

Les condors vivent et dorment dans les peñas altas, des lieux appelés Sauricalla. Pour les faire venir, on tue un cheval et on l’enterre plusieurs jours. Après, on le déterre et sa viande pourrie sent très fort. On met donc le cheval mort dans un lieu choisi pour que le condor puisse bien le voir et venir sans nous repérer. Il faut souvent attendre plusieurs jours pour que le condor vienne manger. Les chasseurs doivent se tenir près et rester bien caché. Quand il s’est enfin approché et qu’il a fini de manger, le condor est comme ivre, il a tellement mangé qu’il ne peut plus voler. Alors les hommes le pourchassent à cheval et l’attrapent avec leur poncho en se jetant sur lui. Voilà comment on chasse les condors ici.

Après le jour de la corrida et de la fête du village de Tambobamba, on prépare le condor capturé en l’accrochant avec des cordes sur le dos du taureau. Il faut faire attention à bien attacher son bec car sinon il ferait trop rapidement des dégâts au taureau. Par contre ses griffes, elles, sont libres et s’agitent sur le dos du taureau. Alors, il se met en colère, il devient furieux, très agressif… seuls les meilleurs toreros peuvent entrer dans l’arène. Quand se termine la fête, il faut de nouveau donner des offrandes aux Apus : coca, maïs morado, on allume des bougies… Alors les gens dansent avec les musiciens et accompagnent le condor pour le relâcher depuis les hauteurs du village. Pour qu’il retourne voler parmi les siens…

Cette chasse du condor se pratique au mois de juillet pour la fête de la patrie du 28 juillet et le 15 août pour la fête du village qui célèbre la vierge de Asunta. Les gens du village font de grandes célébrations qu’ils appellent des cargos. Et le condor doit être relâché après la fête avec de nombreux cadeaux et ornements, des cuitas de couleurs… Tout le monde prépare la despedida (le départ) du condor avec une grande joie… En revanche, si le condor meurt au cours de la corrida, le chasseur qui l’a attrapé peut mourir aussi. C’est pour ça qu’il faut toujours bien donner les offrandes aux Apus. Le dernier chasseur de condor s’appelle Thomas Huillca, de Ocrabamba, c’est loin… Il y a aussi Nicolas Lopez qui lui habite à Quello. »


Apuchin, le chef condor

Venancio Huamani Sueldo
Choquecca, Apurimac, Pérou.
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« Quand j’avais dix ou onze ans, je me souviens avoir appris quelque chose sur l’histoire des condors. Les condors ont un chef, il s’appelle Apuchin. Alors quand les chasseurs préparent le cheval mort pour faire venir les condors, le premier qui a le droit de manger c’est Apuchin, le chef. Tant qu’il n’est pas arrivé près du cheval mort, les autres condors n’ont pas le droit d’y toucher. Ils sont obligés de l’attendre en écoutant sans bouger, avec leurs ailes grandes ouvertes, je ne sais pas pourquoi. Aussi, j’ai appris que les condors sont tout excités devant le cheval mort, comme ivres, ils se battent, se piquent sur la tête et se frottent leurs crêtes. Après vient l’Apuchin, le chef… Il commence par manger les yeux et la langue du cheval mort. Puis lorsqu’il entame la partie arrière, les autres condors le rejoignent pour manger aussi. »


Les petits diables du Salar




Aurelia
Communauté Buenaventura, Salar de Uyuni, Bolivie
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« Bien, écoute… Ça fait longtemps qu’on traverse le Salar. Depuis ma naissance à Uyuni, je vis du côté sud de ce Salar. Alors on le traverse en permanence, même avant que les autos n’arrivent, on le traversait déjà…

Il y en a qui ont peur de cet endroit. Ils disent que de la montagne Tunupa descendent les petits diables jusqu’à l’île Incahuasi ; puis ils vont à Quincha, là-bas… Les gens disent que c’est leur chemin. C’est pour ça que les gens de Tawa me demandent maintenant : “Aurelia, tu vis sur l’île Incahuasi, qu’est-ce qui va se passer avec ton mari ? Cette île va t’enlever ton mari ! Cette île, c’est un vrai dortoir de petits diables, c’est leur chemin. Comment peux-tu vivre là-bas ? ”. Voilà ce qu’ils me disent…

Nous, on suppose qu’il existe des petits diables.

Tu vois, mon époux travaille à la Coopérative Union Progreso, tu dois connaître cette coopérative, il travaille là-bas dans la montagne, il apporte la nourriture pour les éleveurs. Eh bien, un jour qu’il redescendait de son travail, il est venu me voir en criant : “J’ai vu le petit diable ! Je l’ai vu ! ”. On est retourné ensemble voir, on a regardé partout, on a tourné, il n’y avait rien…

Dans la soirée est venu un homme qui nous a dit lui aussi avoir croisé le petit diable : “Je l’ai vu, c’est une personne petite comme ça, avec des cheveux à moitié roux et des grosses dents comme ça… C’est vrai que je l’ai vu… ”. Et il voulait en raconter plus mais il était comme paralysé… “Les amis, il y a un diable ici mmh… ”.

Il était devenu muet ! Plus rien ne sortait de sa bouche !

Tu vois, on dit qu’il y a des choses bizarres ici hein… mais moi, ici sur l’île, depuis tout ce temps, je n’ai jamais rien vu… »

L'Apu Ausangate



Nazario Turpo Condori
Ausangate, Annexe Pacchenta, Province de Cuzco, Perou
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« Ya compañero. Chay Awsangatikunan hatun Awsangati llapan kashanku chay llapan… chay Peru llaqta michiq, uywamanta qulqimanta mikhuymanta, llapan runamanta riglamaq, rimaq.
Bien, mon ami. Les [monts] Ausangate[1], le grand Ausangate, sont tous… les bergers du Pérou[2], [ils sont là] pour le bétail, l’argent, la nourriture [des Péruviens][3], et ils réclament, parlent pour tout le monde[4].

Chaysi paykunaqa rimasqa antes timpuqa altumisapi, q’alata rimayta yachasqaku.
Donc on raconte qu’autrefois ils [les monts Ausangate] parlaient dans les tables d’offrande, ils s’exprimaient sur tout.

Altumisayuq runakuna waxachisqa apu Awsangatita.
Les “ maîtres de la table d’offrande ” [les chamanes] faisaient venir l’Apu Ausangate.

Chaypi hamusqa altumisapi, haykumusqa Awsangati « mana nuqaqa kani Awsangatichu, Wayna Awsangati nuqaq sutiyqa » nispa willakusqa runakunaman, llapan wakcha runakunaman.
Un Ausangate était venu sur une table d’offrande et avait dit aux gens, à tous les gens pauvres : “ Je ne suis pas l’apu Ausangate, mon nom est Ausangate le Jeune[5]. ”

Chay timpus kasqa guerra, huq españolkuna hamusqa.
C’était une époque de guerre, des Espagnols étaient venus.

Chaypis inkanchiskuna, llapan machulanchis awlanchiskuna guerrapi mana imata… imaynata mana defindikuyta atispa altumisata waxasqaku Awsangatita.
Nos Incas, tous nos ancêtres, nos aïeux, comme ils n’arrivaient pas se défendre à la guerre, appelèrent l’Ausangate au moyen d’une table d’offrande.

Chaysi haykumuspa altumisapi rimarisqa « Ama llakikuychischu, nuqan qankunamantaqa kashani » nispa.
Alors il descendit et se mit à parler sur la table d’offrande : “ Ne vous en faites pas, je suis de votre côté. ”

Chaysi nisqa “ Tal p’unchawmi chay orasta hamunqaku; yachani, nuqaqa yachashanin hamunankuta ” nispa.
Il dit : “ Ils viendront tel jour à telle heure ; je le sais, moi je sais quand ils viendront. ”

Chaymi Awsangatiq pampanpin kashan Yanaqucha nisqa qucha, yana quchapuni.
Sur le plateau de l’Ausangate, il y a un lac qu’on appelle Yanacocha [le lac noir] et c’est vraiment un lac noir.

“ Anchay quchamanmi chayamunqaku, chayman waxachiychis ” nispa nisqa.
“ Il faut qu’ils viennent près de ce lac, attirez-les vers ce lac ” leur dit-il.

Ña españolkuna chayamusqa llapan… ornamentokunata armamentokunata apamuspa chayñintin. Wakakunatas apamusqaku.
Les Espagnols arrivèrent avec tout… en apportant leurs ornements, leurs armements, avec tout ça. Ils amenaient des vaches.

Hinaspas tupasqaku chaypi inkanchiswan este… Awsangatiwan chay españolkunawan.
Alors, là se rencontrèrent nos Incas et euh… l’Ausangate et les Espagnols.

Chaysi Awsangatiqa… chayamuqtinku awsangatimanta urayamusqa chikchilla.
L’Ausangate… quand ils arrivèrent, de la grêle tomba sur eux depuis l’Ausangate.

Chaypis Awsangati urayamusqa t’uxaspa chikchi ukhup… chikchiq chawpinpi Wayna Awsangati yuraq kawallupi sillasqa.
Alors l’Ausangate descendit dans un bruit de tonnerre, dans la gr… au milieu de la grêle, Ausangate le Jeune, monté sur un cheval blanc.

Chaysi chay españolkunata chay Awsangati Yanaquchaman q’alata apayapusqaku t’uxaspalla.
Alors, Ausangate emporta tous les Espagnols vers Yanacocha, dans un bruit de tonnerre.

Wayra, tutuka, quwa anchayllas llapanta apayapusqaku ukhuman llapan wakantinta llapanta españolkunata.
Du vent, des tourbillons et des nuages noirs emportèrent les Espagnols à l’intérieur [du lac], avec toutes leurs vaches, tous.

Chaypi Awsangati, Wayna Awsangatin ganapusqa.
C’est comme ça qu’Ausangate, Ausangate le Jeune, les vainquit.

Chaymi sutin Wayna Awsangati « Guerra Ganarur » nisqa sutin.
C’est pour ça que Ausangate le Jeune s’appelle Gagneur de guerres. »



[1] Il s’agit effectivement d’un massif. L’Ausangate est à la fois un et multiple.

[2] Il veut dire que les pics formant la chaîne de l’Ausangate sont la puissance tutélaire du Pérou et qu’elle est aux Péruviens ce que le berger est à son bétail.

[3] L’Ausangate pourvoit à la fécondité des troupeaux, à la prospérité économique et à la fertilité des cultures de tous les Péruviens

[4] Il les défend contre les abus commis par les puissants.

[5] Apu signifie « aîné, ancien » et, secondairement, « seigneur ». Celui-ci n’est pas « l’ancien », c’est-à-dire le père, mais son fils ou l’un de ses fils, que Nazario Turpo appelle Wayna Ausangate, c’est-à-dire « Ausangate le Jeune » ou « Ausangate (le) fils ». On raconte que dans les temps anciens, à l’époque des « gentils » ou suq’a, les apu étaient des hommes (et des femmes) puissants. Dans les temps actuels, dont fait partie l’époque des Incas, les apu n’apparaissent plus sous forme humaine.



Le lac Titicaca


Lac Titikaka
Vu du coté bolivien.
Cérémonie de présentation à la montagne Ausongate - Nazario Turpo



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La montagne condor - 1


Halario Aduviri

Province de La Paz, Bolivie
[Ecoutez son hitsoire ici .mp3]

« Bien… Mon grand-père est de la famille Moya, ma mère s’appelle Antonia Moya et mon père Mariano Aduviri, je suis leur fils.

Ma mère et mon grand-père vivaient à Tüni, à côté du lac, dans une petite maison, et moi aussi je vivais là-bas avec eux. C’est avec mon grand père que j’ai appris à connaître le Condoriri, le sommet où la montagne dit-on aussi…

Quand on aperçoit le Condoriri à distance, il a vraiment l’apparence d’un condor en position assise, avec ses ailes, son bec et ses yeux regardant plus ou moins vers l’ouest. En espagnol on l’appelle le Condoriri mais en aymara on dit : malku Gunuwi (condor assis).

Avant on parlait de malku car dans la région, il existait de grandes quantités de condors… des centaines, des milliers il y en avait… Et mes ancêtres ne les appelaient pas des condors mais des malku, tel était leur nom avant.

Voilà pourquoi les gens du coin aimaient bien ce malku car cette montagne ressemble à un condor aux ailes ouvertes, avec ses plumes, il est très ressemblant. Quand le soleil se lève, brillant, ou quand il se couche, la lumière illumine toujours le malku. Le soir, il change de couleur, il passe du bleu brillant au rouge, ça ressemble au leke leke, ce changement de brillance est le signal d’une grande joie…

Parfois quand il fait du brouillard, on dirait un peu de la laine, et parfois au contraire, il disparaît… Comme c’est souvent le cas à l’aube, il se cache… Le malku se cache dans les nuages. Ainsi est cette montagne.

On l’aimait beaucoup ce condor, ce malku. Avant, au temps de nos grands-pères, il y en avait des troupeaux entiers, aujourd’hui non, il y en a très peu.

Le malku aime bien manger des moutons et nos grands-pères voyaient régulièrement le malku venir leur prendre du bétail, il les emportait et c’était accepté. Ça, c’était au temps où les terres appartenaient encore à la communauté tout entière, et non pas comme maintenant où tout le monde possède sa parcelle individuelle, sa propriété privée.

Quand le condor arrive, il descend du ciel, de plus de 300 mètres et plonge sur un mouton en faisant un grand bruit, chilink… chilink… Un peu comme fait le son de la cloche de l’église, c’est pareil. Le malku sonne sa cloche en altitude, observant bien les moutons, les jeunes surtout. Et tout comme l’aigle, il descend à toute vitesse pour se jeter sur un mouton avec force et l’attraper avec ses grosses griffes. Puis, dans le même mouvement il redécolle vite et s’éloigne avec la bête. Cet acte était traditionnellement respecté, et il ne fallait surtout pas déranger ou faire du mal au condor quand il venait, sinon ce n’était pas bon signe pour l’éleveur.

C’est vrai, d’après la tradition, il ne faut pas interrompre le condor dans ses actes ; pour eux comme pour nous, ses actes sont sacrés… Quand un agneau tombe entre les griffes du condor, il faut laisser faire, ne pas intervenir… il nous en prend un mais ça veut dire que l’année prochaine va être bonne pour la production, c’est-à-dire que le bétail va bien se multiplier. Donc il ne faut pas bouger car si on l’attaquait avec nos frondes, le malku nous lancerait une malédiction, notre bétail deviendrait faible et manquerait de nourriture. Alors l’année à suivre serait terrible… »

La montagne condor - 2


La montagne Condoriri
Province de La Paz, Bolivie
Chanson sur le condor (extrait) - Violeta Poma Ardiles
[Ecoutez la chanson ici .mp3]




Fable Andine: renard & souris

Martina Tayna Quispe

Communauté Poques, Province de Cuzco, Pérou
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

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Atoq & Huck’ucha
Le renard et la souris

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Huq atuqchas kasqa huk’uchachawan. Huk’uchachawansi purisqaku, parlasqaku.
Il y avait un renard et une souris. Ils allaient ensemble et parlaient.

Chaysi huk’uchachas nisqa aqnata ... huk’uchachatas nisqa atuq aqnata : « Mikhurusayki yaw huk’uchacha, yarqayushawanmi » nispa « mikhunata aparamuwankimanchu ? » nispa. « Ya » nispas nisqa.
Alors la souris lui dit comme ça… le renard dit à la… à la… à la souris : “ Eh, la souris, je vais te manger, j’ai très faim ” dit-il, “ tu ne peux pas m’apporter à manger ? ” dit-il. “ d’accord ” dit [la souris].

Chaysi nisqa ... huk’uchachaqa nisqa « Kay sikiykita kurchurukuspa kay quchata laqt’aspa tukuraysiway, chayta tukurusunchis » nispa.
Alors il dit… la souris lui dit : “ mets-toi vite un bouchon dans le derrière et aide-moi à vider ce lac en buvant [l’eau], vidons-le. ”

Chaysi « nuqataq risaq ... nina paran hamushan, nata ... t’uquta ruwaramusaq, chayman pakakusunchis qanta kayta nashanki ... » nispas chinkarapusqa.
Puis : “ Et moi j’irai… une pluie de feu va arriver, euh… je vais faire un trou pour nous y cacher pendant que tu feras ça ” dit-elle. Et elle disparut.

Manapuni ikhurimuqtinsi atuqchaqa puririllantaq maskhaq huk’uchaman. Hinaspa huk’ucha maskhamushanankamaqa tariramusqa huk’uchata.
Comme elle n’apparaissait pas, le renard se mit à la recherche de la souris. Puis à force de la chercher, il trouva la souris.

Hinaspas tariramuspan « Yaw, manapunin kunanqa eskaparuwankichu ; mikhurapullasaykiñan kunanqa » nispas nin huk’uchata atuqchaqa.
Il lui dit : “ Eh, cette fois, tu ne vas pas m’échapper, cette fois je vais te manger ” dit le renard à la souris.

Chaysi « Ama mikhuruwaychu ; yaw, kaypi mikhunata suyachisayki » nispas mankapi mikhunata suyachisqa.
Alors elle lui dit : “ Ne me mange pas ; eh, voici de la nourriture que je t’ai préparée. ” Et effectivement elle lui avait préparé à manger dans une marmite.

Chaysi mankapi mikhunata suyachiqtin ... sankhuta mankapi chaysi nisqa : « Kaypi yaw mikhurunki kayta » nispa, « Nuqataq ... kunanmi kasarakuy kanqa chaypi nuqa serkuta ruwayushasaq » nispas nisqa.
Elle lui avait préparé à manger dans une marmite… du sankhu7, dans une marmite, alors elle lui dit : “ Allez, mange ce qui est là ; moi… il va y avoir un mariage, pendant ce temps je vais construire un mur là-bas ” dit-elle.

Chaysi atuq umansi mankaman kawirapun.
Alors, la tête du renard resta coincée dans la marmite.

Chaysi aqnata p’anaykachashanankamas atuq ... huk’uchachaqa chinkarapullantaq.
Le ren… la souris le roua de coups comme ça et disparut.

Chaysi huk’uchacha chinkarapuqtin ñak’aytapunis ... p’anaspa aqnata ... atuqchaqa ... atuqchaqa nan ... atuqchaqa urquyukun chay mankata umanmanta.
Alors, la souris ayant disparu, avec beaucoup de difficultés… en le frappant comme ça… le renard… le renard euh… le renard arriva à enlever la marmite de sa tête.

Chaysi ... puririllantaqsi huk’uchaqa ... chu ... atuqqa « Maskharamusaqpunin, chay huk’uchata mikhukusaqpuni ; manapunin kunanqa eskapawanqachu » nispa.
Alors… la souris euh… le renard se remit à sa recherche : “ Il faut absolument que je la trouve, je vais manger cette souris, cette fois elle ne m’échappera pas. ”

Chaysi « Yaw, ama ... aman naychu ... mikhuruwaychu ; a ! nina paran chayaramunqa, chayman pakakusunchis kaypi, chaymi kunan nina para ... nina para hamuqtin pakakunanchispaq khaputa khapuyushani » nispas nisqa.
Alors : “ Eh, ne… ne me… ne me mange pas ; il va y avoir un mariage… Ah ! Une pluie de feu va tomber, nous allons nous cacher là ; c’est pour ça que je suis en train de creuser ici, pour nous cacher quand la pluie de feu… quand la pluie de feu arrivera ” dit-elle.

Nispas khapuyushan.
Et elle creusait.

« Kaychaman haykuy ; chayña, hamushanña »
“ mets-le là-dedans, elle [la pluie de feu] arrive. ”

K’aqllata churarun…
[Le renard] sortit le museau.

Chaysi nina para « Achakáw! Achakáw! Achakáw! Sirtumá riki ! » nin.
Alors la pluie de feu “ aïe ! aïe ! aïe ! c’est donc vrai ! ” dit-il.

Chaysi riki « Nina paran riki ... pakaramusayki, nuqa wisq’aramusaq » nispas taparullantaq t’uquspañataq huk’uchachaqa.
Alors n’est-ce pas “ La pluie de feu… je vais te cacher, moi je vais te protéger ” dit la souris et elle le recouvrit, après avoir creusé un trou.

Chaysi ... manallataqsi huk’uchachaqa kapunchu; chinkarapullantaqsi huk’uchachaqa.
Alors… de nouveau plus de souris ; la souris avait encore disparu.

La religion selon Florencio


Florencio Chillihuani Condori

Ausangate, Annexe Pukarumi, Pérou
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

Don Florencio fait partie de l’annexe Pukaruni, appartenant à la communauté de Ausangate. Il raconte son histoire, sa propre expérience avec les sorciers, les guérisseurs aux services des Apus, et plus spécialement de l’Apus Ausangate. Il raconte que pendant longtemps, il a bien fait ses offrandes aux dieux des montagnes pour être sûr d’avoir des animaux en bonne santé, pour qu’ils ne meurent pas de maladie ou qu’ils ne soient pas volés. Mais plus loin dans sa vie, en dépit des nombreux paiements ou offrandes qu’il a pu faire, il est tombé malade, lui. Il est resté trois ans dans le malheur. Il a demandé l’aide de plusieurs sorciers, mais aucun n’a su l’aider pour aller mieux. Il raconte même que les sorciers se sont mis à se battre entre eux et qu’ils l’ont finalement abandonné. Il avait à l’époque sombré dans l’alcool, il était sans arrêt malade et sa femme aussi n’était pas bien. C’est à ce moment précis qu’il cessa de croire aux Apus…

« … Voilà pourquoi je me suis converti en évangéliste. Ils me prirent alors mes biens, mes affaires étaient un échec… mais maintenant, après quatre ou cinq ans, le seigneur divin m’a converti avec son aide. C’est ainsi que, comme avant, je possède maintenant des beaux alpagas, avec des fibres blanches et non plus colorées. C’est ainsi que je ne fume plus, je ne mâche plus de la coca et je ne parle plus dans les assemblés de la communauté… La Bible dit que je ne dois plus parler. »

Chant d'offrande aux vaches




Saturnina Sueldo Huilca
Communauté Choqueca, Région Apurimac, Pérou

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Waka t’inka
Chant d’offrandes aux vaches
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Ñañachallayqa wawqichallayqa

imay munaychá imay sumaqchá

chupachallanpas banderachayuq

ninrichallanpas k’intuyk’intulla,
chupachallanpas banderachayuq,
ninrichallanpas k’intuyk’intucha.

Ñañachallayqa muyuramunqa,
wawqichallayqa vueltaramunqa
Killillichallay kinrachaytaqa
tayankachanta k’utuykuspalla.

Wawqichallayqa ñañachallayqa
muyuramunqa vueltaramunqa
pulla pullanta pallaykuspalla
silluchallanpas siqllaysiqllacha,

Astachallanpas k’intuyk’intucha
ninrichallanpas k’intuyk’intucha
wawqichallay muyuramunqa,
ñañachallayqa vueltaramunqa.

Qu’elle est jolie, qu’il est beau,
ma petite soeur, mon petit frère,
avec pour drapeau sa petite queue
et ses petites oreilles bien dressées,
avec pour drapeau sa petite queue
et ses petites oreilles bien dressées[1].

Ma petite soeur va faire des tours,
mon petit frère va faire des ronds,
sur mon petit versant de Killilli
en broutant de la tayanka[2].

Mon petit frère, ma petite soeur
va faire des tours, va faire des ronds,
en ramassant de la pulla pulla,
ses petits ongles comme des grattoirs ?

Ses petites cornes bien dressées,
ses petites oreilles bien dressées,
mon petit frère va faire des tours,
ma petite soeur va faire des ronds.


[1] Littéralement : « comme des feuilles de coca ». C’est une expression courante pour qualifier des oreilles bien dressées.

[2] Un arbuste.

La clé de mon coeur

Enfants de La famille Cari
Ile Amantani, Lac Titikaka, Perou
[Ecoutez la chanson ici .mp3]

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Chanson d'Alexa (12 ans)
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Todo el mundo se admiró
Del mal paso que yo di
Como no me admiro yo
Si otros hacen peor que yo

Al fin todo terminará
Al fin todo se acabará
La mala huella de tu querer
Con retirarme se acabarán

Por confiada te entregué
La llave de mi corazón
Quiero que me la devuelvas
Porque mañana me voy

Al fin todo terminará
Al fin todo se acabará
La mala huella de tu querer
Con retirarme se acabarán (bis)

Tout le monde s’étonne
des malheurs que j’ai eus
Et moi je ne m’étonne pas
des gens qui font pire que moi

Enfin tout sera terminé
Enfin tout sera fini
La mauvaise trace de ton amour
S’effacera avec mon départ

Avec confiance je t’avais donné
La clé de mon coeur
Je veux que tu me la rendes
Parce que demain je m’en vais

Enfin tout sera terminé
Enfin tout sera fini
La mauvaise trace de ton amour
S’effacera avec mon départ (bis)

Chanson de Juan Carlos

Enfants de La famille Cari
Ile Amantani, Lac Titikaka, Perou

[Ecoutez la chanson ici .mp3]

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Chanson de Juan Carlos (8 ans)
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El cielo está nublado,
parece que va a llover
.
Mi corazón destrozado
Dicen, dicen que me quieren,
Dicen, dicen que me odian.
Si me quieren por qué no me abrazan,
Si me odian por qué no me botan

Le ciel est nuageux,
on dirait qu’il va pleuvoir,
Mon coeur est détruit,
Ils disent qu’ils m’aiment,
Ils disent qu’ils me détestent,
Mais s’ils m’aiment, pourquoi ne m’embrassent-ils pas ?
Mais s’ils me détestent, pourquoi ne me repoussent-ils pas ?

Ma petite pointe


(Epouse) Maximo Mamani Choque
Ausangate, Annexe Pukarumi, Pérou
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Puntitáy

Ma petite pointe

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Qispi rumi patapi, puka piñicháy,
puka piñichay chal chal chal, piñitay.
Qispi kurus patapi, puntitáy,
puka piñichay chal chal chal, puntitáy.
Icha nuqallapaqchus, puntitáy,
icha tukuyllapaqchus, puntitáy.
Ñuqallapaq kaqtinqa, puntitáy,
(….) curacion, puntitáy.
Tukuyllapaq kaqtinqa, puntitáy,
descaimiento curación, puntitáy.

"Sur la pierre de cristal, ma petite perle rouge,
il y a ma petite perle rouge, chal chal chal, ma petite perle.
Sur la croix de cristal, ma petite pointe,
il y a ma petite perle rouge, chal chal chal, ma petite pointe.

Est-elle seulement pour moi ? ma petite pointe.
Est-elle pour tous ? ma petite pointe.
Si elle est seulement pour moi, ma petite pointe,
c’est guérison de (…), ma petite pointe.
Si elle est pour tous, ma petite pointe,
c’est guérison d’abattement, ma petite pointe. "


Mon petit enclos


Maximo Mamani Choque

Ausangate, Annexe Pukarumi, Pérou
[Ecoutez la chanson ici .mp3]


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Kurralcháy

Mon petit enclos
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"Phawarqamuy saltarqamuy, kurralcháy,
inti qhawariq tumpallapis, kurralcháy.
Phawarqamuy, saltarqamuy, kurralcháy
killa qhawariq tumpallapis, kurralcháy.
Taytaykiri mamaykiri, kurralcháy,
qaqasmanchas qaqasunki, kurralcháy.
Huq munakuy yachaqpaqqa, kurralcháy,
qaqachanpas q’iwinallas, kurralcháy,
kandaduchanpas q’iwinallas, kurralcháy.

Viens en courant, viens en sautant, mon petit enclos,
sous le prétexte de voir le soleil, mon petit enclos.
Viens en courant, viens en sautant, mon petit enclos,
sous le prétexte de voir la lune, mon petit enclos.
Ton père, ta mère, mon petit enclos,
t’ont bien enfermé, mon petit enclos.
Pour une (fille) qui sait aimer mon petit enclos,
il faut tourner la pierre, mon petit enclos,

il faut bien tourner le cadenas, mon petit enclos."

L'union fait la force

Santiago Ramos Pantoja
Pueblo de Chontayoc, Region Ancash, Pérou
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

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Atskaq nunakunapa kallpanqa ima-aykatapis ahallam ruran
La force de beaucoup de personnes fait tout rapidement
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« Huk nunapam kapurqan qanchis tsurínkuna.
Un homme avait sept enfants.

Papanin mamanin imēpis kēnōmi niyaq: “ Felis kēta munarqa kayanēki unidum”
Leur père et leur mère leurs disaient toujours : “ Si vous voulez être heureux, vous devez être unis. ”

Tsēnō papaninkuna niyaptin tsurinkuna mana wiyakuyarqatsu. Allapa dejado kayaq.
Bien que leurs pères leur parlaient ainsi, leurs fils ne les écoutaient pas. Ils étaient très négligents.

Mana nunka yanapanakuyaqtsu, kasunakuyaqtsu. Imēpis maqanakullar kakullaq.
Ils ne s’aidaient jamais les uns les autres ni ne faisaient attention les uns aux autres. Ils étaient toujours en train de se battre.

Tsēta rikarnam limpu llakishqa tētankuna llapanta ēlliykuq willapananpaq.
Voyant cela, très tristes, leurs pères les réunirent tous pour leur parler.

Tsē ēllukariyaptinnam mañashqa huk llanu shukshukunata kada tsurinta.
Quand ils les eurent réunis, ils leur demandèrent des bâtons fins, à chacun de leurs fils.

Tsētanam papaninkuna ēllurkur alli bwēnu watashqa.
Leurs pères rassemblèrent [les bâtons] et les attachèrent bien.

Tsē shukshukuna watashqata tsaratsirqan tsurinkunata kēnō : nishpa : “ ma, kēta pakirayami. ”
Ils apportèrent ces bâtons attachés à leurs fils et leur dirent ainsi : “ Voyons, cassez ceci. ”

Tsēnam wamrankunaqa pakīta munayashqa, pero mana pwedēáshqatsu qanchis llanu shukshu watashqata. Llapan huntupis mana pakīta pwedēashqatsu.
Alors les fils voulurent les casser, mais ils ne purent rien contre les sept longs bâtons fins car ils étaient attachés. Même tous ensemble ils n’arrivèrent pas à les casser.

Tsēnam papaninkuna paskarinaq ganchis shúkshuta.
Alors leurs pères défirent les sept bâtons.

Después tsurinkunata tsaratsirqan “ ma, pakiyē ” kēnō nishpa : “ma kanan, pakiyē! ”
Ensuite ils les apportèrent à leurs fils en leur disant ainsi : « Voyons, cassez-les ; voyons maintenant, cassez-les ! »

Tséytaqa kada wamrankuna hukllapa pakiriyarqan.
Chacun de leurs enfants cassa d’un coup [un bâton].

Tsēnam papaninkuna kēnō nirqan : “ Yarpayē kēta llapan kawēnikikunachō. ”
Alors leurs pères leurs dirent ainsi : “ Souvenez-vous de cela toute votre vie”

Tsēyaq mamaninkuna upallalla kēkanqanta “ mēqēkikunapis hapalleekikuna kayanqēki ora, kayanki kē llanu shukshunōmi fasil pakirīpaq; llapēkitsun huntu kayanki tsēqa, kayanki huk alli puqushqa i chukru qirunōmi. ”
Leurs mères qui s’étaient tues jusqu’alors dirent: “ Chacun d’entre vous, au moment où vous serez seuls, vous serez faciles à casser comme ce bâton ; si vous êtes tous ensemble, vous serez bien mûrs et durs comme du bois. ”


La mine de Cochasaywas


Rubén Valeriano Carbajal Palma
Coyllurqui, Région Apurimac, Pérou
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

Rubén Valeriano Carvajal Palma agriculteur de 83 ans, est né près des mines de Cocheseiwes. Son père cuzqueño (provenant de Cuzco), était ingénieur des mines dans la province de Cotabambas, sa mère était une paysanne du lieu. Depuis 1940, Rubén habite avec sa femme (72 ans) dans une petite propriété où il travaille comme agriculteur. Il a deux filles, une qui habite à Lima et l’autre à Puerto Maldonado. Cette dernière est mariée avec le propriétaire d’une usine. Ses deux filles lui rendent visite de temps en temps. Rubén eut un fils également qui décéda voila un an et demi. Rubén n’a pas fait d’études supérieures mais il a beaucoup lu, il se considère autodidacte, comme l’écrivain péruvien José Carlos Mariátegui qui cita la phrase fameuse « peruanicemos al Perú ». Au cours d’une rencontre improvisée, Rubén souhaita raconter l’histoire de Cochasaywas, la mine d’or de la région qu’il connaît depuis toujours.

« La mine de Cochasaywas, actuellement exploitée par des portugais, avait été découverte et travaillée il y a bien longtemps auparavant par les Incas. En effet, le grand chemin des Incas, part de Cuzco, passe par le lac de Ccomerccocha et arrive jusqu’à la mine de Cochasaywas. C’est de cette mine là que les Incas ont extrait l’or et l’ont acheminé jusqu’à Cajamarca pour payer la rançon de l’Inca Atahualpa.

Après son exploitation par les Incas, la mine fut propriété des portugais et des espagnols à l’époque de la conquête et avec l’indépendance par la Compañía Exploradora Cotabambas.

Mon père a travaillé toute sa vie dans cette mine. Il a été nommé capitan général et puis après il est arrivé au poste d’ingénieur pratique. A cette époque, on a vu débarquer un géologue allemand. Il est parti avec tout un équipement sonder la montagne à la recherche d’autres concentrations de minerais. Après plusieurs mois passés dans la cordillère, l’allemand affirma que dans ces montagnes se trouvait suffisamment d’or pour au moins 200 ans d’extraction minière à ciel ouvert ! Après cette nouvelle, la compagnie Wiese Sudameris et ses associés, décideront d’exploiter la mine. La grande quantité d’or extraite de la mine était transportée par avion. Ceux-ci arrivaient et atterrissaient sur l’actuel terrain d’aviation d’Huanacopampa.

Après la mort de mon père le 7 octobre de 1943, des ingénieurs provenant des autres pays débarquèrent à la mine. Malgré les efforts pour continuer à extraire l’or, les filons s’épuisèrent et peu à peu, la mine fut vidée puis fermée.

Aujourd’hui, on aperçoit dans la mine de Cochasaywas quelques ouvriers qui s’activent. Ce sont des artisans indépendants qui cherchent des miettes d’or restant à l’intérieur pour réaliser des bijoux ».

Le bal des sorcières


Natulia Oralla “Manato”
Villarica, Région Cauca, Colombie
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« On raconte aussi en Parlachata cette drôle d’histoire de sorcière. Il y avait un homme qui s’appelait… mmh… enfin, je ne me rappelle plus de son nom, mais je vais vous raconter ce qui lui est arrivé.

Il habitait seul chez lui et tous les jours, il s’asseyait à sa porte à la même heure, de six heures jusqu’à dix heures. Car il voulait ne pas rater les deux demoiselles qui se promenaient devant chez lui, bien habillées, bien blanches avec leurs Louis XV et leurs tabliers.

Un jour, un mardi, il leur dit : “ Emmenez-moi avec vous ! ”, mais elles ne répondaient pas. Le mercredi, passant à nouveau au même endroit, là, à côté du monsieur, il leur répéta : “ Emmenez-moi avec vous ! ”, mais toujours pas de réponse. Le jour d’après, alors qu’elles repassaient devant sa porte, il demanda à nouveau : “ Emmenez-moi ! ”.

Et cette fois, les deux femmes lui répondirent : “ Allez, venez… ” et hop ! il jeta sa chaise et partit avec elles.

Pendant qu’ils marchaient côte à côte, une des femmes demanda à l’autre : “ Brinca algo ”… hum. L’homme ne pouvait pas s’imaginer que ces deux demoiselles blanches étaient des sorcières ! “ Brinca algo ”… hum, ce qu’elles se disaient l’intriguait, mais il continua quand même de les accompagner. Jusqu’à ce qu’ils arrivent face à une maison bizarre, bien différente de celles de Puerto Quezada. Il entra et se retrouva en plein milieu d’un bal… un bal de sorcières ! Et toutes se mirent à danser !

Par la suite, il entra dans une autre salle qui ressemblait à une épicerie, mais curieusement, on ne parvenait pas à voir le toit. Il demanda au vendeur pourquoi, mais celui-ci lui répondit rapidement : “ mon ami, ne dites rien… s’il n’y a pas de toit ici, c’est pour qu’elles [les sorcières] puissent vous amener justement… car vous êtes ici à Londres mon ami ! Cette maison là-bas vous transporte de Puerto Quijarro à Londres entre 1 et 6 heures du matin ! Surtout, ne faites pas de scandale car même avec vos papiers, on vous tue facilement pour contrebande ici ! Alors ne dites rien, je vais vous donner cette bouteille de vin pour que vous demandiez sur votre chemin d’ici où vous irez, si ce vin n’est vendu qu’ici à Londres. ”

De retour dans la salle du bal, l’homme… Tenorio, l’homme s’appelait Tenorio, mais je ne me souviens plus de son prénom… L’homme rentra donc la salle de bal, la bouche bien fermée pour ne pas se faire remarquer, et les sorcières dansaient toujours.

Elles dansaient, dansaient… À quatre heures du matin on lui dit : “ On y va, on y va, on y va, on y va… ” .

Les deux sorcières tournoyèrent et hop! Ils retombèrent devant la porte de sa maison de Puerto Quijaro…

“ Ne sortez jamais avec des gens de là-bas… jamais plus jamais je ne serai le même ! ” dit-il.

(Et le vin ? demande-t-on)

Le vin ? Il l’a ramené… il l’a ramené avec de l’argent et des cigarettes… le vin ne pouvait pas se trouver ailleurs car après tout, mon ami,

il était allé à Londres à cause de l’amour ! » [rires]

L'etrange lasso

Hernan Vasquez
Villarica, Région Cauca, Colombie
[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« … Au sujet des sorcières, on dit qu’elles nous apparaissent souvent sous la forme d’un animal. Cela peut être une poule… une vache… oui, une vache avec un lasso qui traîne par terre… Une bimba, c’est-à-dire comme un gros animal d’enclos que possèdent beaucoup d’éleveurs ici… Eh bien, vous voyez l’animal et naturellement, vous essayez de l’attraper avec son lasso, mais à chaque fois celui-ci vous échappe au dernier moment car l’animal se déplace… C’était leur jeu aux sorcières… elles vous emmenaient comme ça, où elles le désiraient… Et puis voilà, vous attrapiez finalement le lasso. Alors vous aviez le lasso dans la main croyant que c’était celui d’une vache perdue… mais en fait, c’étaient les tripes de la sorcière ! C’était ce qu’elle possède à l’intérieur d’elle, dans son ventre, ses tripes nouées comme une grosse corde impossible à tenir !

Mais il y a un moyen de s’en sortir, il y a un moyen de voir le vrai visage de la sorcière comme une vraie personne : c’est facile !

Il vous faut quelque chose de piquant, un outil pour lui couper cette corde… Car oui, pour s’en sortir il faut couper net ce lasso.

Car de cette manière, vous lui coupez aussi les tripes de l’intérieur et là, elle doit apparaître réellement !mais il faut couper d’un seul coup de machette, pas plus… Si vous vous y prenez à deux fois ça ne marchera pas… Il faut un coup et un seul et là, elle ne vous embêtera plus de toute votre vie… »

> un deuxième extrait décrivant l'aspect physique des brujas
[ici .mp3]