Les voix des Andes

Traditions orales Quechua et Aymara de la Cordillère des Andes

vendredi, mars 10, 2006

La chasse du condor


Lucio Sueldo Huelca

Communauté Choqueca, Tambobamba, Province de Cuzco, Pérou

[Ecoutez son histoire ici .mp3]

« Avant de partir attraper le condor, il faut d’abord commencer par faire des offrandes aux Apus. Les Apus sont les montagnes, mais aussi les dieux qui protègent les hommes les animaux et surtout les condors selon les croyances et les coutumes de notre peuple. Alors on chasse le condor avec grand respect. On doit juste l’attraper, pas le tuer. Car on doit le faire participer à la fête traditionnelle du village, la corrida de taureaux de Cotabamba. On réalise des offrandes spécifiques aux Apus qui protègent les condors, et aussi à Ignacio Condori de Sauricalla qui est le patron des condors. On doit leurs donner des feuilles de coca, de l’alcool, des clous de girofle ou des cigarettes… Tout ça pour appeler le condor.

Les condors vivent et dorment dans les peñas altas, des lieux appelés Sauricalla. Pour les faire venir, on tue un cheval et on l’enterre plusieurs jours. Après, on le déterre et sa viande pourrie sent très fort. On met donc le cheval mort dans un lieu choisi pour que le condor puisse bien le voir et venir sans nous repérer. Il faut souvent attendre plusieurs jours pour que le condor vienne manger. Les chasseurs doivent se tenir près et rester bien caché. Quand il s’est enfin approché et qu’il a fini de manger, le condor est comme ivre, il a tellement mangé qu’il ne peut plus voler. Alors les hommes le pourchassent à cheval et l’attrapent avec leur poncho en se jetant sur lui. Voilà comment on chasse les condors ici.

Après le jour de la corrida et de la fête du village de Tambobamba, on prépare le condor capturé en l’accrochant avec des cordes sur le dos du taureau. Il faut faire attention à bien attacher son bec car sinon il ferait trop rapidement des dégâts au taureau. Par contre ses griffes, elles, sont libres et s’agitent sur le dos du taureau. Alors, il se met en colère, il devient furieux, très agressif… seuls les meilleurs toreros peuvent entrer dans l’arène. Quand se termine la fête, il faut de nouveau donner des offrandes aux Apus : coca, maïs morado, on allume des bougies… Alors les gens dansent avec les musiciens et accompagnent le condor pour le relâcher depuis les hauteurs du village. Pour qu’il retourne voler parmi les siens…

Cette chasse du condor se pratique au mois de juillet pour la fête de la patrie du 28 juillet et le 15 août pour la fête du village qui célèbre la vierge de Asunta. Les gens du village font de grandes célébrations qu’ils appellent des cargos. Et le condor doit être relâché après la fête avec de nombreux cadeaux et ornements, des cuitas de couleurs… Tout le monde prépare la despedida (le départ) du condor avec une grande joie… En revanche, si le condor meurt au cours de la corrida, le chasseur qui l’a attrapé peut mourir aussi. C’est pour ça qu’il faut toujours bien donner les offrandes aux Apus. Le dernier chasseur de condor s’appelle Thomas Huillca, de Ocrabamba, c’est loin… Il y a aussi Nicolas Lopez qui lui habite à Quello. »


1 Comments:

At dimanche, mars 12, 2006 5:08:00 PM, Blogger Paul said...

Dear Venancio Huamani Sueldo and Lucio Sueldo Huelca,
Thank you for your photos and stories about the Condor that I saw with Nicolas in Paris. I am sorry I do not speak Spanish, maybe someone can tell you my own story... This wonderful bird is very sacred to me too. No other bird knows how to glide so efficiently, its feathers adjusting all the time to be one with the element, climbing out on the slightest of thermals and travelling such long distances high over the Andes. I am a pilot of hang gliders (vol libre/delta) for many years and love watching the real experts fly: the raptor birds circling and soaring. Some treasured times I have flown with eagles and kites, joining them in the core of their thermal to climb high, high, high until they leave me behind. Flying free with these birds is the most wonderful privileged experience. Many years of waiting, I wanted to see a condor myself. Finally, waiting for the early morning sun to warm the rocks at the top of Colca canyon in Peru, standing near the holy cross there, my dream came true. These wonderful sacred birds, so ugly and awkward on the ground, launched and flew back and forward just above my head as I turned and turned watching them, the tears streaming down my face at the strong emotion of being close to fellow free spirits as they climbed and climbed, vanishing into the blue for their day's journeys. Can you understand my feelings?

 

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